Richard Serra au Grand Palais - Monumenta 2008

Promenade

Connu pour ses sculptures en acier monumentales, l’américain Richard Serra est l’invité de la deuxième édition de Monumenta dont l’objet, voulu par ses concepteurs, est d’inviter chaque année un artiste à investir la nef du Grand Palais.

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C’est dans ce cadre que Richard Serra a réalisé Promenade, une composition faite de cinq panneaux d’aciers répartis dans la nef du Grand Palais. Sans fioriture aucune, et d’environ cinq centimètres d’épaisseur et de deux mètres de largeur, ces panneaux atteignent plus de dix mètres de hauteur ; ils sont à proprement parler gigantesques. Installés à la verticale -  c’est à peine s’ils sont légèrement inclinés – on dirait des menhirs sortis tout droit d’un laminoir de la sidérurgie. Ils sont d’autant plus abrupts qu’ils contrastent avec les arrondies appuyés de la verrière du Grand Palais. 

Installés tout au long d’un axe vertical mais légèrement décalés l’un par rapport à l’autre, les  cinq panneaux offrent aux visiteurs la possibilité d’effectuer un parcours autour et entre les profilés géants ; l’exposition porte d’ailleurs le titre Promenade. La promenade est en effet ici fondamentale car, pour une part, c’est le promeneur qui fait l’œuvre : à chacun de ses pas, la composition se modifie, l’œuvre devenant autre tout en conservant son unité d’ensemble. Ne serait-ce pas dès lors par ces deux dimensions - la permanence de l’œuvre et son changement dans un même et unique espace construit par l'artiste - qu’il faut se laisser interpeller pour saisir ce qui fait l’attrait de l'installation de Richard Serra ? 

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Du côté de ce qui perdure, sans doute convient-il d’abord de relever l’unité du matériau, soit l’acier brut d’où l’œuvre tire sa force. Le côté monumental et le caractère en même temps minimaliste des cinq panneaux sont également au nombre des éléments qui ne varient pas et qui, sous tous les angles, donnent à l’œuvre son caractère à la fois majestueux et épuré.

L’unité de l’œuvre n’empêche cependant pas son changement car chaque déplacement du promeneur modifie sa structure. A chaque pas, l’espace construit se modifie ; le promeneur ouvre l’espace. Selon la formule d’Heidegger, il espace l’espace, spatialise. Vus d’un des bouts de la nef, les panneaux sont quasi alignés et la verticalité de l’œuvre domine. En position plus centrale, les éléments en acier sont éparpillés et occupent plus largement l’espace ; l’œuvre perd alors de sa hauteur et la composition d’ensemble devient plus massive, moins élancée. En bref, tantôt l’espace se contracte et tantôt l’espace se dilate, ce qui fait que l’on est confronté à une œuvre toujours identique à soi, mais cependant toujours différente par l'accueil qu'elle nous réserve, et qui est source de jouissance esthétique.. 

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Dès lors, assurément n’est-il pas vain de souligner que Monumenta de Richard Serra montre, de manière presque paradigmatique, en quoi la sculpture est d’abord un art de l’espace, les formes de l’œuvre sculptée n’étant rien sans l’espace que lesdites formes organisent, et qui lui-même varie en fonction des différents lieux que l'oeuvre nous assigne pour sa contemplation.

Pour finir, il faut signaler que la promenade proposée est encore intéressante pour son prix, qui lui n’a rien de monumental : 4 euros, et même seulement 2 euros pour ceux qui ont pris un ticket d’entrée pour l’exposition du Grand Palais consacrée à la Figuration Narrative.

 

Roger Sciberras

Paris Juin 2008